Des inconnus au fil des siècles…
Des inconnus au fil des siècles.
Contrairement à ce qui est communément admis, les grottes, et même quelquefois les avens ont été fréquentés à toutes les époques. Ce sont les problèmes techniques qui limitent les explorations. Surtout le principal : l’éclairage. Mais une fois ce pas franchi, l’ingéniosité et la curiosité de certains humains sont sans limite. Les témoignages écrits manquent et les autres signes sont souvent effacés ou si ténus qu’on ne les voit souvent pas. Il n’y a aucune différence entre un mur de pierres sèche de la préhistoire, du Moyen-Age ou de maintenant ; ni entre la trace de mon pied nu et celle d’une femme du chalcolithique. Même maintenant ceux qui relatent leurs explorations sont la minorité de la minorité des spéléologues.
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Se réfugier
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S’abriter
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Habiter sous terre
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Entreposer, cacher … même des trésors ?
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Trouver, utiliser
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Jeter
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Prier
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Visiter
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Avoir peur ?
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Découvrir et transmettre
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Inventer, faire de la première
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Se réfugier.
Durant les périodes de guerres, les grottes ont été de bons refuges. Il est arrivé que des communautés entières se cachent sous terre. Cela pouvait être fort bien organisé. Par exemple Charles V, dans un édit de juin 1370, cite « les manants de Trèves retirés dans leur fort ». Ce fort est la Baume Saint Firmin de laquelle on a une vue splendide sur les gorges du Trévezel. Cette grotte fortifiée était fort bien aménagée : les restes du moulin installé sur le ruisseau (aujourd’hui temporaire) qui traverse la grotte montrent que tout était prévu. L’eau qui coulait fournissait la ressource principale et permettait de soutenir un siège. En plus, en remontant le ruisseau, on arrivait à une seconde discrète sortie cachée par les arbres.
Les Camisards furent des spécialistes de l’utilisation des grottes, ce qui tend à prouver leur grande familiarité avec les lieux. Certaines servirent de magasins de vivres et d’hôpitaux telle la Baume Monadière (flanc est du Mont Bouquet) ; de lieu de réunion comme laBaume de Rouville à Saint Jean du Gard ; d’autres, beaucoup d’autres, ont servi d’abris et de cachettes plus ou moins réguliers. De très nombreuses grottes, utilisées ou non par les Camisards furent murées par les Dragons du Roi avec (grotte de Carnoulès à Saint Sébastien d’Aigrefeuille) ou sans les Camisards dedans (Trabuc à Mialet). Le général de La Lande fit sauter l’entrée de la grotted’Arrénas à Euzet après avoir massacré les Camisards blessés de cet hôpital de campagne. Certaines cachettes furent réutilisées durant la Révolution1 et plus près de nous durant l’occupation allemande.
A toutes les époques des proscrits et des exclus se réfugièrent sous terre ou utilisèrent les grottes.
A Sainte Anastasie, la grotte du Colombier servit d’atelier et de cachette à des faux monnayeurs et, durant les guerres de religions, une bande de Ligueurs (partisans catholiques), en réalité bandits de grands chemins avaient fait de la Baume Latrone leur repaire. Ils ravagèrent la contrée et prirent le château de Sainte Anastasie en 1583.
Les lépreux aussi se cachaient comme à la grotte du Cimetière à Tharaux.
De nombreuses grottes des « Sarrasins » ont été occupées régulièrement par des Gitans. La plus célèbre est la grotte de la Salpétrière, à côté du Pont du Gard. Elle était l’objet d’un pèlerinage et d’un grand rassemblement gitan le lundi de Pentecôte.
D’aucuns ont profité des grottes pour clamer – bien fort, mais sans risque – leurs convictions politiques.
Liberté, Egalité, Fraternité ou la Mort !
J. Coulet
1er mai 1864, 2 h après midi.
est gravé au fond de la grotte de la Baumette à Sainte Anastasie et rappelle que les républicains étaient poursuivis sous le Second Empire.
S’abriter
Les grottes et les abris sous roche ont toujours servi et servent encore d’abris plus ou moins temporaires.
Actuellement les baumes, sous les voies d’escalade, servent toujours de bivouacs aux grimpeurs.
Les bergers en étaient les plus grands utilisateurs, soit en abris plus ou moins temporaires pour le berger soit en bergerie pour le troupeau entier. Dans ce dernier cas, murs et barrières étaient construits à l’entrée et le fond était obstrué, afin que les bêtes ne s’égarent pas.
Habiter sous terre.
Le troglodytisme est absolument ignoré et pourtant encore fort courant, même en France. En dehors des habitats préhistoriques et des ermitages, de nombreuses cavités et abris sous roche ont été arrangés et habités. C’est toujours le même genre de site qui est choisi : une grotte plutôt sèche, bien orientée, non loin d’une source ou d’un cours d’eau, quoique l’usage des citernes soit fréquent. Nous pouvons en rencontrer un certain nombre qui sont reconnaissables aux hasards des promenades, comme la ferme de la Balauzière à Vers qui fut habitée de la préhistoire jusqu’au XIXe s..
Entreposer, cacher…même des trésors ?
Bien entendu, les grottes ont servi à entreposer toutes sortes de choses plus ou moins précieuses : grottes-caves ou grottes-réserves.
Dans les habitats préhistoriques on trouve des fosses creusées dans le sol qui servaient de réserves de nourriture. La grotte du Hasard àTharaux a été utilisée comme chambre froide pour la viande de boucherie. Les grottes de falaise servaient aussi pour entreposer graines et fruits, car on y trouve peu de rongeurs.
Jusqu’au XXe siècle, le lait étant difficilement transportable, les fromages étaient souvent fabriqués sur place et mis en cave dans des grottes plus humides et plus profondes transformées en fromagerie (grotte de Puech Buisson à Lanuéjols). Il arriva même qu’on les installât au fond de gouffres tel l’aven de Saint Ferréol à Campestre-et-le-Luc. Cette fromagerie est remarquable : une grande salle s’ouvre à 50 m au bas d’un large aven. Cette salle fut fermée par un grand mur et les bâtiments situés sur la lèvre du gouffre étaient munis d’un « ascenseur » manuel. Celui-ci étant malgré tout peu pratique, on fit construire un long tunnel en pente douce qui permettait d’arriver au fond et une cheminée d’aération (vers 1885).**
De nombreuses personnes ont rêvé à tous ces fabuleux trésors cachés – trésors des Anglais, des Cathares, des Sarrasins, des Templiers, du diable, des fées … et à la chèvre d’or-. Certains sont même allés les chercher. L’avidité joue de drôles de tours. En s’avançant sous terre avec son mauvais éclairage, le chercheur de trésor voit des parois scintiller : ça y est ! il a trouvé des pierres précieuses, des diamants…. Il revient avec un pic travaille comme un forcené, charge son sac, ressort… et va vite le cacher. Quand enfin il regarde son butin, il ne trouve que de vulgaires cailloux. Rage, colère et déception ! Ce n’est pas sa faute : il a bien vu les pierres briller. C’est donc (rayer les mentions inutiles) le diable, les sorcières, les lutins, les fées qui lui ont volé ou, peut être, repris ce qu’ils considéraient comme à eux et qui lui ont joué ce sale tour ! Tous ceux qui sont allés sous terre ont pu voir les cristaux de calcite scintiller. Et mieux les gouttelettes de condensation accrochées aux parois brillent comme de vrais diamants. Mais il ne s’agit pas de pierres précieuses au sens vénal, mercantile, marchand, négociable, même si leur beauté leur donne une valeur poétique. Je soupçonne fortement les ruraux d’avoir transformé quelques mésaventures et soigneusement entretenu ces légendes en les embellissant afin de mieux pouvoir se moquer de ces citadins qui savent tout mieux que les campagnards.
Ce qui brille plait toujours : de nos jours encore, des personnes qui entrent sous terre cassent des concrétions parce qu’elles brillent… et le plus souvent les jettent, une fois rentrées chez elles car elles ne brillent plus. Ce n’est plus assez joli. Et nos cavernes sont défigurées à jamais.
Trouver, utiliser.
La recherche de l’eau, si rare sur les terrains calcaires, est un bon motif pour aller sous terre. Et les « grottes citernes » (appellation ancienne des préhistoriens) sont nombreuses. Il s’agit de grottes ou même de gouffres dans lesquels on dépose des récipients, le plus souvent sous le goutte à goutte qui tombe des stalactites. Par exemple, la grotte du Grand Serre à Tharaux dans laquelle furent retrouvés des débris de poterie néolithique, de pots vernissés et de bouteilles d’un verre épais, humbles débris témoins de la persistance du besoin de boire, de la connaissance séculaire du lieu et … de la maladresse des humains. Les charbonniers, bons connaisseurs des forêts, se sont souvent installés à coté de telles grottes.
Je ne cite que pour mémoire l’utilisation des sources. Cette eau qui fait tant défaut en surface dans les pays calcaires et qui creuse des galeries et des puits au fil des millénaires, ressort par des émergences. Celles ci ont été trouvées, surveillées, entretenues durant des siècles et même quelquefois captées. Le captage le plus connu est celui de la Fontaine d’Eure par les Romains. Et ceci grâce au Pont du Gard, fragment de l’aqueduc qui conduisait cette eau d’Uzès à Nîmes.
L’argile fut recherchée, principalement celle qui a été déposée par l’eau qui coule très lentement et obstrue les galeries paragénétiques3,très fine, très lisse et très collante. S’il est sûr que les néolithiques s’en servirent pour fabriquer leurs poteries, il est plus difficile de déterminer si ce fut une ressource utilisée plus tard.
Ils utilisèrent aussi les concrétions de calcite comme « dégraissant », en les broyant finement et en les mélangeant à l’argile pour obtenir des poteries plus solides (grotte du Prével à Montclus). Plus tard, les verriers se servirent aussi de stalactites broyées pour améliorer leurs verres.
L’argile rouge servit à marquer les bêtes, comme celle que l’on allait chercher dans les Baumes Rouges du Mont Bouquet.
Le guano de chauve-souris fut sorti pour servir d’engrais dans les champs (grotte du Sambuc, Sainte Anastasie).
Dès que l’on sût cultiver les champignons, nous eûmes des champignonnières comme à la Baume Longue de Dions.
L’aven de la Cocalière a servi de carrière de sable. Treuil et cable étaient encore visibles récemment. C’était assez pratique : il suffisait d’aller chercher le sable en bas de l’aven en période sèche. Lorsqu’il n’y en avait plus, on attendait la crue et le torrent, sans effort, déposait une autre dune de sable qu’il ne restait plus qu’à ressortir.
A la fin du XIXe s. et au début du XXe s., on a utilisé les phosphates comme engrais. De très longues cavités furent ainsi vidées de tout ou partie de leurs sédiments : la phosphatière de Romagnac à Tavel développe 2350 m de conduits vidés à coups de pics.
Jeter.
Une autre utilisation, mais qui est réservée aux gouffres celle-là, et qui est beaucoup plus récente car résultat de l’élévation du niveau de vie et de la société de consommation est celle de poubelle. On peut, bien sûr trouver quelques cas anciens : l’aven de Paulin porte le nom d’un sinistre bandit qui y jetait ses victimes et qui finit lui-même au fond grâce à la dernière, un peu plus vigoureuse que les autres. Pendant longtemps, ce fût surtout les bêtes malades que l’on jetait dans les gouffres. Mais le jet d’ordures dangereuses s’est fortement diversifié et intensifié. Or dans les calcaires, l’eau circule dans des conduits et n’est en aucune façon filtrée. Quand l’eau passe sur un cadavre de mouton malade en putréfaction ou sur de vieux médicaments périmés, elle en fait une soupe de jus de mouton malade et de médicaments. Et c’est cela qui ressortira invisible mais bien présent, à cette « belle source » qui sera peut être captée pour être amenée jusqu’à votre robinet… Et ce n’est pas la faute des spéléos qui l’ont prouvé, le clament et le redisent depuis longtemps. Edouard-Alfred Martel a réussi en 1902 à faire promulguer une loi interdisant le jet d’ordures dans les gouffres. Or encore beaucoup de gens continuent à ignorer la loi Martel alors que nous risquons actuellement de manquer d’eau.
Prier.
Si nous savons que les préhistoriques devaient certainement utiliser les cavernes comme lieux de culte, au moins des ancêtres puisque, à certaines périodes, ils y enterraient leurs morts, que de nombreux dieux de l’antiquité étaient vénérés sous terre ou dans les sources, émergences des pays calcaires, il est moins connu que le christianisme se soit implanté en Gaule avec l’érémitisme. Pour donner l’exemple d’une vie de pauvreté et de simplicité face au luxe de l’empire romain, les premiers évangélisateurs choisissent de vivre dans des grottes ou des abris creusés. Il s’agissait au départ de simples cavités avec un lieu pour vivre et un petit oratoire, pas très loin du lieu à évangéliser et le plus souvent à proximité d’une source. Mais si la réputation de sainteté de l’ermite devenait plus importante, il venait s’installer une communauté autour de lui. Pour accueillir les fidèles, il fallait une église que l’on installait dans une cavité plus grande ou que l’on construisait à proximité ainsi que des lieux d’accueil. De nombreux ermitages ne sont plus connus que par la toponymie. Et il est souvent difficile de savoir qui a occupé les lieux, d’autant que les ermites ont souvent réutilisé des cavités qui avaient servi avant eux, en particulier aux préhistoriques. Mais même celles qui ont connu des aménagements importants sont ignorées.
A l’aval de Montclus, l’ermitage des Beaumes est une église troglodyte au sol dallé dont la façade de style roman date du XI ou XIIe s2.Il y avait, au siècle dernier, de curieux murs très épais construits devant et qui devaient faire partie d’un système de défense. De nombreuses « maisons » existaient tout autour « dans le rocher ».
L’ermitage de Saint Vérédème dans les gorges du Gardon est moins oublié, puisqu’il fit l’objet d’un pèlerinage jusqu’en 1962. Entre autres, la grotte a été utilisée par les préhistoriques, les Gallo-Romains, saint Vérédème, son invité saint Gilles, et ses successeurs certainement très tardivement. Elle a subit des aménagements, fortifications, fresques, construction d’une chapelle, escaliers… Elle fut fouillée par les premiers préhistoriens et choisie comme lieu de promenade par les Nîmois du XIXe s. à 1940.
A coté de Beaucaire, les trois collines eurent chacune leur ermitage dès les débuts de l’évangélisation de la Gaule. L’un d’eux devint si important qu’au Ve s., elle devint l’abbaye Saint-Roman-l’Aiguille. Hors l’ermitage de départ qui était une cavité naturelle avant d’être agrandie pour en devenir le sanctuaire, le reste du socle rocheux est entièrement creusé d’un extraordinaire réseau de salles, de galeries, de chambres, de colonnes, de niches, de fauteuils, d’un reliquaire, d’un pressoir, de silos et de citernes. Sur les pentes de nombreuses maisons furent construites. Et le cimetière fut installé en haut, à la surface du plateau. Les tombes ont été creusées directement dans le rocher, chacune à la taille et à la forme de son occupant. L’abbaye perdit de son importance et au XVIe s., le propriétaire fit construire un château sur le plateau au-dessus en utilisant des pierres des bâtiments sous jacents. Après son abandon à la Révolution, tout ce qui le pût, fut vendu comme bien national ; le château et ce qui restait des constructions servit, comme beaucoup de monuments, de carrière de pierres. Il ne reste plus que la partie souterraine battue par les vents.
Visiter.
Le tourisme est certainement très ancien. François 1er, qui aimait les grottes, a visité la grotte de la Sertanique. Puis Charles IXaccompagné du roi de Navarre, le futur Henri IV, y auraient dîné avec tous leurs suivants. La grotte, devenue la Sartanette, sise à 500 m du Pont du Gard, vit passer encore beaucoup de touristes. Ce n’était peut-être pas très courant, surtout pour les gens qui habitaient des villes, mais certainement pas aussi exceptionnel qu’on veut bien le croire. Le XIXe s., vit un regain d’activité touristique et de nombreuses grottes furent visitées par des touristes guidés par des locaux qui avaient ainsi un travail d’appoint non négligeable. C’est le XXe s. qui a vu les aménagements modernes (éclairage électrique, passerelles, escaliers métalliques, sonorisation…) s’installer.
Avoir peur ?
Tout ceci nous montre que la population essentiellement rurale jusqu’au XIXe s avait une connaissance intime du milieu qui était le sien. Et elle savait l’utiliser dans ses moindres détails. Mais d’où viennent ces histoires de peur des abîmes et du noir qui font croire que les grottes étaient ignorées jusqu’aux modernes explorateurs ? Et bien, tout simplement que les cavités sont dangereuses. Les gouffres, en particulier, présentent un danger pour les enfants ou les troupeaux qui peuvent s’y précipiter, ou encore, la nuit ou par temps de neige ou de brouillard pour toute personne égarée. Au fil des siècles, de nombreux gouffres ont été bouchés pour ce motif. Soit en y déversant des pierres, soit en voûtant l’orifice, ou en construisant un mur autour (aven de Camplone, Mialet). On connaît bien son terroir et donc on en connaît aussi les dangers. Les grottes aussi peuvent être dangereuses surtout si l’on est mal éclairé, on peut glisser, tomber, se perdre ou pire se retrouver sans éclairage ; il faut donc être très prudent.
Mais il y a surtout eu certainement incompréhension entre les citadins qui venaient visiter, explorer et relater ce qu’ils faisaient et les ruraux. D’abord on ne raconte pas ses secrets à n’importe qui. Et souvent les buts poursuivis n’étaient pas les mêmes. Pour les ruraux, il s’agissait principalement d’utiliser le milieu et ses ressources. Pour les explorateurs d’un autre genre qui venaient pour voir ou pour expliquer ce qu’ils trouveraient, les buts n’étaient pas les mêmes. Par exemple un aven qui n’était « pas intéressant » pour un paysan (profond, pas d’eau, pas de guano, etc.) pouvait être intéressant pour un explorateur (belles concrétions, intérêt géologique, difficultés…). Et les explications des uns et des autres, utilisant des vocabulaires différents, quand ce n’était pas une langue différente (provençal/occitan et français), ne rencontraient qu’incompréhension de la part de l’autre.
Découvrir et transmettre.
Les premiers à vouloir comprendre le monde souterrain et qui laissèrent des traces écrites furent des naturalistes, principalement des botanistes, puis quelques géologues, suivis de près par les préhistoriens. Mais ils ne s’intéressaient pas vraiment au contenant (la caverne) mais plutôt au contenu (les plantes, les fossiles, les vestiges antiques) qu’ils décrivaient. Ce qui n’en empêchât pas certains de mener des explorations difficiles (Adrien Jeanjean descend au bout d’une corde le puits de 50 m de l’aven St Ferréol en 1857). Tous ces gens se sont fait guider par les « indigènes » qui eux connaissaient les cavités et qui ont été totalement oubliés, gommés de notre mémoire.
Puis vinrent avec Edouard Alfred Martel les explorateurs qui s’intéressaient principalement aux grottes. Mais à part les « écrivains », nous retrouvons beaucoup d’anonymes. Martel étant l’un des rares à mettre un point d’honneur à citer systématiquement ses « collaborateurs ». L’anonymat vient du manque de traces écrites (directes ou indirectes), de la confidentialité (rareté) de certaines publications, de la généralisation du groupe (« écrit par le spéléo-club d’Uzès, les Eclaireurs de France…etc. »), de l’absence totale de trace écrite, involontaire (je ne sais pas écrire, cela m’ennuie, je n’ai pas le temps), ou en version plus moderne, volontaire (je me tais et ce trou restera à moi tout seul, ou je me tais et ce trou ne sera pas massacré par tous ces inconscients pollueurs, massacreurs de trous).
Inventer, faire de la première.
Malgré tout, la majorité des gens qui sont allés ou vont sous terre sont des suiveurs, des accompagnateurs. Les explorateurs, que l’on appelle aussi inventeurs pour souligner qu’ils sont les premiers, à toutes les époques, sont une infime minorité de la population. D’une façon générale les groupements humains ont tendance à préférer la routine et les explorations, inventions et autres innovations dans quelque domaine que ce soit (arts, techniques, découvertes…) ne sont encouragées que dans des conditions exceptionnelles : surpopulation, manque de nourriture ou de matière première… Mais ces explorateurs existent. S’ils se laissent quelquefois décourager, les plus têtus et/ou les plus inspirés persistent. Pour peu que leurs découvertes soient appréciées par tout ou partie du reste de la communauté, ils suscitent des émules qui peuvent progresser plus rapidement car ils ont le soutient du reste ou du moins d’une partie de la population. Evidemment les recherches qui sont menées dans le cadre de l’amélioration de la routine sont encouragées. Mais les véritables innovateurs sont craints et souvent combattus, en tous cas moqués. En spéléologie, celui qui découvre une nouvelle cavité ou une nouvelle galerie fait de la « première ». Et c’est une vraie exploration. A l’extérieur, actuellement, grâce aux satellites la terre entière est cartographiée. Même si on est le premier humain à mettre le pied quelque part, on sait où l’on va. Pas sous terre : une galerie, un puits ou une étroiture n’existent qu’à partir du moment où un spéléo y a mis son nez… et l’a topographié (cartographié). Nous sommes les derniers explorateurs, et nous pouvons même faire ça le dimanche derrière chez nous… |
Merci à Jean Obstancias pour la relecture et les suggestions
Isabelle Obstancias, le 6 juin 2002.
1 : Un exemple, parmi tant d’autres. Pendant la Terreur, le protestant républicain Théophile Gide se cache dans une grotte des Concluses. L’abbé Menjeaud, réfractaire en fait autant de son côté. Ils se retrouvent au point d’eau situé au pied du rocher des Aigles. Loin des passions religieuses et révolutionnaires, ils discutent de longues heures.
Théophile Gide restera un an dans sa grotte et devra même fournir un certificat de résidence (établi par la municipalaité de Lussan) pour ne pas être inquiété (guillotiné !) comme émigré.
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Contrairement à ce que j’avais affirmé précédemment,
(Celui-ci étant malgré tout peu pratique, on fit construire par les enfants bagnards de la ferme du Luc un immense tunnel en pente douce qui permettait d’arriver au fond et une cheminée d’aération (vers 1885). Rappelons qu’à cette « Belle Epoque », un enfant pouvait se retrouver au bagne pour avoir commis le crime d’être orphelin.)
il semble bien que les enfants de la colonie pénitentiaire du Luc ne soient pour rien dans la construction du tunnel. Les constructions du tunnel et des bâtiments seraient l’œuvre de professionnels.
A cette époque, qualifiée de « Belle » par les nantis (masculins), un enfant qui se retrouvait dans une « colonie agricole de jeunes détenus » vivait dans des conditions que nous trouvons terribles. Or, il avait de la chance : il avait échappé à la prison –avec des adultes-, il avait de quoi se vêtir et se chausser, il avait accès à l’instruction (jusqu’au certificat d’étude), et surtout il avait de quoi manger tous les jours. Ce qui était loin d’être le cas de nombreux enfants « libres ».
Correction de janvier 2006.
2 : Elle a été défigurée au cours de la première moitié du XXe par l’ajout d’une porte et de deux fenêtres rectangulaires aux linteaux de bois. Ce qui prouve sa ré-utilisation. Peut être en annexe de ce qui semble être une ancienne guinguette au pied d’une baume à l’amont (restes de toit en tôle ondulée, piliers et sol en ciment). Dans les parois de la Baume de nombreux creux (naturels ou creusés) pour y mettre des poutres, montrent une ancienne utilisation sur au moins trois niveaux.
3 : Pour la définition, voir dans karstologie : comment un petit ruisseau peut-il creuser une grande galerie ?.